lundi 21 décembre 2009

Léo et Mae Mercer #1


L'histoire de Léo et Mae Mercer, je vais vous en raconter un épisode, tel qu'il reste dans ma mémoire après que Léo me l'a raconté il y a déjà quelques années. Sans chercher à en vérifier l'exactitude, ni même à déterminer comment moi-même j'ai pu me l'approprier et le mettre à ma sauce - Léo était un tel conteur qu'il pouvait monopoliser une tablée pendant toute la soirée, et nous tenir en haleine avec une histoire qu'on connaissait déjà mais à laquelle il amenait quelques détails oubliés. Comme des enfants, on lui demandait: Léo! et celle où tu as volé les rouleaux de moquette au type pour les poser chez sa propre femme? tu nous la racontes!! Il partait de son grand rire et c'était parti...

Celle-là d'histoire, commence dans une ville de province dans les années 60. Léo a 18 ans, il est pion dans un bahut de Nancy avec son cousin et s'ennuit ferme entre deux conneries dans sa chambre de pion - comme de faire du feu avec le parquet ou de saouler un interne égaré dans les couloirs...
Un week-end, il va au cinéma avec son cousin et matte un film dont j'ai oublié le nom. Là, il tombe amoureux direct de l'actrice du film, une grande femme noire américaine superbe et sculpturale, Mae Mercer. Il sort de ce film, tout émoustillé comme on l'est à cet âge et déclare à son cousin : tu vois, c'est une femme comme ça qu'il me faut ! et ils retournent au Lycée, faire d'autres conneries comme de débouler en mobylette à fond de train, le cousin devant, Léo derrière avec deux vipères tenues à bouts de bras par la queue (Léo chassait les vipères comme on s'allume une clope et expliquait à quel point c'était facile - ça faisait son effet).
Tant et si bien qu'il se fait virer.
Six mois plus tard, le voilà à Paris, en quête d'une vie plus conforme à sa dinguerie permanente, cours de théâtre, je crois et sorties surtout. Il loge chez un oncle de la famille. Ce dernier est un pote de Maurice Girodias (l' éditeur entre autres de Miller et Nabokov, on est dans les années 60, attention on rigole pas avec le sexe à cette époque), c'est dire si le jeune Léo est bien entouré! Girodias fait aussi tourner un club de jazz, à côté de ses bureaux, le Blues Bar.
Un jour, l'oncle de Léo lui propose de l'accompagner au club, une chanteuse extraordinaire s'y produit tous les soirs, parait-il, accompagnée par Menphis Slim. Et voilà Léo, accoudé au bar, en train de siroter un verre, en attendant le début du concert. Soudain, il lâche son verre, il devient tout pâle, il se met à trembler de tous ses membres, s'étrangle en cherchant à reprendre son souffle.
Son oncle lui demande ce qu'il a. Sur la scène, la chanteuse qui vient de faire son apparition, n'est autre que Mae Mercer, là, en chair et en os, la même dont il est tombé fou amoureux à Nancy, dans la salle de ciné. Il explique l'incroyable coïncidence et reste pétrifié pendant tout le concert.

Mais le plus fou reste à venir.

A la fin du concert, Girodias lui propose de rencontrer Mae Mercer dans sa loge. Léo s'y rend, il a 19 ans, Mae en a 30, il ne se dégonfle pas : il lui sort tout à trac son histoire et lui déclare sa flamme. Ils ne sortiront pas du plumard pendant trois jours et se marieront dans la foulée.
Ils resteront trois ans ensemble, un record pour deux chaudières pétaradantes comme eux... et les histoires de fou ne manqueront pas.

Ils avaient perdu contact mais j'avais retrouvé une vidéo de Mae Mercer sur YouTube pour Léo, il a eu le temps de la voir quelques semaines avant de mourir.
Mae Mercer est décédée quelques mois après Léo, visiblement d'un arrêt cardiaque, comme lui. Elle avait appelé un de ses fils Léonard...

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