samedi 23 octobre 2010

Les retraites

Ils trainent les femmes par les cheveux, ils mettent des enfants et des nourrissons derrières des barreaux sous prétexte que leurs parents n'ont pas de papiers, ils coursent les gens jusqu'à électrocution ou noyade, ils tirent au flash-ball sur des ados bras tendu, ils expulsent des familles entières à tour de bras, ils n'ont de leçons à recevoir de personne, pas même de l'église, dont ils lèchent pourtant le cul, pas même de la communauté internationale qu'ils méprisent, ils ne ressentent pas de honte, ils détestent les biens-pensants! Ils font leur boulot! et ils le font bien. C'est grâce à vos impôts qu'ils se payent des visières et des bottes, qu'ils nourrissent leurs enfants, car ils ont des enfants, et ces enfants sont fiers de leur papas? qui marchent sur la gueule des clandestins, de la racaille, des grévistes, des arabes, des noirs, des communistes, des pauvres... ces braves papas au service de la France.
Mais ne vous y trompez pas, si vous les croisez quand ils font leur boulot, ils ne feront pas de différences, si vous n'êtes pas habillés comme eux, si vous ne suivez pas leurs ordres, si vous voulez discuter, alors que c'est pour leur retraite que vous manifestez, ou même si vous passez par là en revenant du travail, comme tout le monde, que vous n'en avez rien à foutre des retraites, que vous avez voté pour eux..., ils vous tabasseront comme ils tabassent les sans papiers, ils vous insulteront comme ils insultent les étrangers et la communauté internationale, ils vous traineront par les cheveux comme ils trainent les femmes sans papiers par les cheveux et vous ne vous étonnerez pas j'espère qu'ils tabassent aussi vos enfants, afin que les leurs soient fiers d'eux, car ils n'ont de leçons à recevoir de personne, ce sont eux qui donnent les leçons.

jeudi 16 septembre 2010

Le square de la gare de Charonne



Il est une heure, je suis assis sur un banc du square de la gare de Charonne. Là où nous étions assis il y a des années, un week-end, un après-midi, avec François. A bavarder devant le grand toboggan en colimaçon, pendant que Gilles jouait aux indiens avec des copains du square. Aussitôt arrivés, les enfants se regardent et comprennent s'il peuvent s'associer pour jouer. Là, il n'y a personne dans l'aire de jeu. Un couple mange un sandwich.
"Les enfants ont un langage bien à eux" m'avait dit François. Pablo n'était pas encore né, ni Lucie je crois. J'avais adoré ce bout de ciel en face de chez eux, rue du Volga. Aujourd'hui, une suite de connexions me fait travailler sur le trottoir d'en face. Une suite de connexions dont François est l'origine d'ailleurs. Les matins en arrivant je jette un oeil aux fenêtres. Je sais que les enfants sont déjà à l'école, je sais que France travaille là-haut. On se croise dans la rue, je passe dire coucou. On se dit: on se voit très bientôt. Plutôt un week-end...
Je rêve que François va apparaître en riant. Mais non, c'est un grand vide, aussi gros que lui. "Qui c'est qui a dit le gros?" je l'entends si fort. Mais il faut continuer à charrier toute cette poussière noire...

mercredi 25 août 2010

Une année

Dessin de François Roudot - 1994

Evidemment la vie continue, il y a d'autres dessins, d'autres rencontres, d'autres fêtes, d'autres tristesses, d'autres larmes... D'autres rires... depuis une année. Mais le sien, de rire, manque cruellement à l'appel. Toi le vent, n'oublie pas de nous bercer du rire de François, mon salaud.

lundi 28 juin 2010



Tous les jours, il s'agit de lutter contre le cynisme incroyable des gouvernants, contre cette mécanique bien huilée qui humilie les acteurs sociaux, enseignants, infirmiers, assistantes sociales, ..., consistant à leur enlever toujours plus de moyens, de considération, d'écoute et de faire par la suite le constat de leur échec. Cette idéologie à l'oeuvre depuis de nombreuses années, qui ne fait que dénoncer les difficultés tout en dépossédant et en dévalorisant ceux qui ont la charge de les affronter est d'une perversité inouïe. Elle a pour but d'enlever la possibilité d'une vraie pensée critique et nous fait croire que les ennemis sont les faibles et les pauvres. Elle nie toute la pensée sociale des 100 dernières années et utilise les mots comme des outils publicitaires et jetables. Elle a vidé les mots de leur force symbolique et par la même de leur pouvoir d'action. Il est à craindre que dans cet état, le corps social devenu schizophrène et sans langue soit poussé de plus en plus à l'action violente. Les mêmes qui ont allumé le feu décréterons alors le couvre-feu et nous expliqueront qu'ils nous avaient bien dit que le social ne servait à rien. Totalement décomplexés, ils pourront continuer de frapper enfants, infirmiers, psychologues, malades mentaux, enseignants, journalistes, sans papiers, et toi et moi.

jeudi 24 juin 2010

Deux ans

Il y a deux ans mourrait Léo. D'autres sont mort depuis. Jack, Bernard, François, Toussaint.
Jules Renard : "la lutte silencieuse des morts dans notre souvenir. Ils ne se battent pas. Il s'écartent sans bruit les uns les autres, avec une force irrésistible."

Consterné par la bêtise ambiante, le foot, les politiques, on est bien obligé de rire. Je repense à ces morts quand ils étaient vivants, je me concentre bien, je ferme les yeux, je les vois tous le sourire aux lèvres, merci les gars.

mardi 18 mai 2010

Les branches mortes


Pour continuer à avancer, on passe son temps à couper les branches mortes. Le travail est sans fin mais finira bien un jour. Pourtant, elle est là la bonne scie, on s'y accroche. On est fatigué de couper parfois mais on s'y remet même avec joie car il n'y a que comme ça qu'on ne tombera pas tout de suite.

jeudi 29 avril 2010

Schnabel

Une petite histoire de Léo, dont le souvenir est toujours fort agréable quoique parfois teinté de tristesse :

il y a une vingtaine d'année, Léo est à New York avec sa fille, Z. toute petite. Je ne sais plus pourquoi il y est, de passage vers la Jamaïque ou pour un film sur Louise Bourgeois, faudra que je consulte mes sources... Toujours est-il qu'il est invité au vernissage de Julian Schnabel. Schnabel jouit à cette époque d'une sacrée réputation, c'est avant qu'il devienne cinéaste - il est un des peintres les plus en vogue, c'est lui qui a appris à Basquiat à peindre plusieurs toiles à la fois et ses propres tableaux se vendent déjà des fortunes.

Léo trouve l'expo à chier et manque de pot, Z. se paye une otite carabinée. Elle pleure, une otite, ça fait horriblement mal! souvenez-vous... elle hurle même. Léo parcourt l'expo, mais il n'y est pas vraiment. Quand on porte dans ses bras un enfant qui souffre, on est plus tout à fait le même - quoique...
Intrigué par les pleurs de la petite, Schnabel s'approche de Léo et lui demande ce qui ne va pas.
Et Léo de répondre : "c'est cette peinture qui lui fait peur, ces tableaux sont horribles et ma fille veut sortir de cet endroit !!"
Et vlan, dans la face à Schnab.
Par la suite, lorsque Pablo faisait une otite, Léo racontait cette histoire encore et encore en s'exclafant de rire... Schnabel c'est de la merde disait-il, ça a foutu une otite à Z.

Léo, il vous remettait debout par rapport au vrai sens des choses - putain ce qu'il manque à ma planète !

jeudi 15 avril 2010

Chez Denise René


François travaillait parfois dans une galerie, comme "monteur" d'expo, homme à tout faire disait-il.
Il en a parlé dans son blog plusieurs fois, c'était pendant la FIAC ou pour d'autres accrochages, à la galerie Denise René. L'année dernière, au mois de mars, il m'avait mis sur le coup, sachant que j'avais bien besoin d'un peu de beurre dans les épinards. En mars 2009 donc, tous les deux, on avait refait la peinture d'un des deux espaces que possède la galerie. C'était boulevard St Germain. Même si François était plutôt grognon à cette époque, pour plein de raisons, on s'était retrouvé tous les matins pendant une semaine, enfilant nos bleus de travail, celui de François était blanc, et se payant des bonnes tranches de rire en repeignant le plafond à grands coups de rouleaux. Il faut dire aussi que François a toujours été de mes accrochages (et même de mes travaux de rafraichissement de l'atelier), c'est lui qui avait été mon deuxième œil lors de ma première expo il y a 10 ans et j'avais pour son sens critique une grande confiance, pour pas dire plus. On avait passé une soirée mémorable, il ajustait les tableaux d'un petit coup de marteau et se reculait en faisant de hum, des ouais, ou des ah non! autoritaires.
Depuis septembre, de temps en temps, la galerie Denise René m'appelle, pour un accrochage, ou pour emballer une expo qu'on démonte. J'y vais et j'ai l'estomac qui fait mal.

vendredi 12 mars 2010

Le guerrier silencieux


Dans la salle, que des hommes.
Sur l'écran, que des hommes.

Et tous ont bien pleuré leur mère.

mercredi 3 février 2010

Mauvais Sang

Léo était accessoiriste sur Mauvais Sang. Mais lui ne s'en faisait pas, la preuve:

Ce matin-là, on doit faire une scène avec un téléphone. Carax prépare ses scènes méticuleusement et travaille ses décors en maniaque. Il explique précisément à l'équipe déco le type d'appareil qu'il veut. Léo a dans le coffre de sa voiture un tas d'accessoires, dont quatre cinq téléphones. Parmi ces téléphones, il y a celui que veut Carax. Léo en attrape un autre et le montre au réalisateur. La réaction est prévisible: ce n'est pas du tout ça! Et Carax de décrire à nouveau le modèle, sa forme, sa couleur. La vue du mauvais téléphone a accentué son désir de l'autre, l'a précisé. Il lui faut ce téléphone. Léo fait mine de réfléchir. Il fouille dans son agenda à la recherche d'une adresse. Enfin, il dit à Carax qu'il voit de quel appareil il s'agit et même qu'il sait où il peut le trouver, qu'il l'a vu chez un brocanteur, que c'est à l'autre bout de Paris, qu'il peut appeler, mais qu'il mettra plus de deux heures aller-retour...
Pas de problème dit Carax, je veux ce téléphone!
Ni une ni deux, Léo monte dans sa voiture, direction... le café du coin. Léo passe 2 bonnes heures au café, bouquine, fait quelques parties de flipper, appelle ses copines. Au bout des deux heures, le voilà de retour. Putain! Un monde fou sur le périph! Un accident Porte de Champerret, j'en ai chié, heureusement mon pote me l'avais mis de côté. Et il sort du coffre le fameux appareil qui n'en avait pas bougé.
C'est exactement ce que je voulais! déclare Carax.

Avec un tel casse-couilles, raconte Léo, il ne faut jamais que ça paraisse facile...

lundi 4 janvier 2010

L'atelier de Brancusi








Pendant ces vacances, j'ai emmené Pablo voir l'expo Rodin-Matisse.
La foule se pressait et nous fîmes la queue sous un auvent nous protégeant du froid. Pablo jouait à se cacher derrière les grands sapins du parc, il avait l'air content. Une fois à l'intérieur, je ressentis tout de suite un drôle de sentiment de nostalgie mêlé de familiarité - non pas que je me sente familier de Rodin ou Matisse (quoique), mais d'être dans un musée, ça m'est familier... La nostalgie, je sus aussi immédiatement d'où elle venait. Il y avait énormément de monde mais indifférent à ce grouillement, Pablo s'assit par terre et commença à dessiner ce qu'il voyait dans un petit carnet, au feutre. C'est la deuxième fois que je dessine avec Pablo "d'après modèle" et j'eus l'impression qu'il faisait ça depuis la naissance. Assis en tailleur, les yeux braqués vers son modèle, il regardait à peine sa feuille et dessinait avec une attention touchante - les gens l'évitaient soigneusement, amusés de voir ce petit bonhomme de 5 ans prendre le temps de voir et de dessiner à sa mode. Son dernier dessin, son "préféré" fut une tête de Matisse, une de ces têtes de boxeur, drôle et boursouflée. Je fus bien incapable de faire comme lui, et je gardais serré mon carnet dans mes mains, trop occupé à ne pas le perdre dans la foule, et surtout obsédé par la pensée de François, ne sachant comment surmonter l'émotion qui à chaque œuvre me traversait, ayant avec lui fait tellement de dessins, dans des musées ou ailleurs, et me souvenant surtout de ces virées qu'il faisait avec ses enfants et des dessins qu'ils en ramenaient. Tout ça se mélangeait avec l'impact que provoquaient les dessins et les sculptures que je découvrais petit à petit dans l'expo.
Je tombai enfin en arrêt sur une sculpture de Rodin extraordinaire : une femme sur un bout de cuisse, tête, pied et un bras coupés, penchée à l'horizontale, de manière à représenter un oiseau; me traversa alors ce souvenir magique d'il y a des années:
Avec François, nous avions fait un exposé sur Brancusi. Nous avions réussi à avoir l'accès de son atelier un matin entier, rien que pour nous... Nous avions passé quelques heures à flâner, à dessiner, à prendre des photos, dans le silence absolu de cet atelier, étrangement habité d'une présence extra-corporelle, nous nous regardions sans un mot, conscients de vivre un moment particulier et merveilleux.

Pablo me demanda lequel était mon "préféré". Je lui montrai la sculpture. Il me fit remarquer qu'il lui manquait un pied et un bras, et surtout la tête. C'était exactement mon cas à ce moment précis, et étrangement, comme la sculpture, j'eus l'espace de quelques secondes le sentiment de voler...

En fouillant dans les diapos, je mis évidemment la main sur ce que je cherchais, "Le poisson" de Brancusi, auquel "Figure volante" de Rodin m'avait renvoyé si fortement. Et par le plus grand des hasards, dans la boite de diapos consacrée à Brancusi, il y avait une autre photo, datant d'encore avant François. Cette photo est celle d'une petite sculpture en train de se faire. Une copie que j'avais entreprise de la femme accroupie de Rodin, c'est étrange la vie quand-même...