samedi 31 octobre 2009

Foot poétique


Il y a plus d'une dizaine d'années, le dimanche matin, avec une brochette de potes, on organisait des parties de foot, histoire de se décrasser de la veille, de piquer une bonne suée et de finir la semaine en sportifs. Chacun portait sur son visage les stigmates du samedi soir, on se retrouvait sur les pelouses de La Villette ou ailleurs vers 11h30 midi. Parfois, des petits jeunes venaient se greffer ou d'autres gars mal rasés cherchant à éliminer leurs toxines. je dois dire que c'était moi le responsable du ballon et que par bien des côtés, je prenais mon rôle d'organisateur assez au sérieux.
Un jour, je proposai à François de venir nous rejoindre. "Hola, tu sais moi le foot..."
Tai-Chi mis à part, qu'il pratiquait en maître, j'avais toujours entendu François critiquer le sport en général et tout ce qu'il véhicule, rivalités, compétition, abrutissement général, argent, spectacle de masse... François, c'était pas le type à appeler pour une soirée PSG-Marseille. D'ailleurs, le Tai-Chi, c'est un art, c'est pas un sport.
Bon bref, je lui expliquai que ce foot était spécial, qu'on était tous des bras cassés avec deux heures de sommeil et 3 grammes dans le sang, qu'on finissait toujours la partie en se rafraichissant de quelques bières et que de toutes façons c'était moi le chef et que personne n'irait l'emmerder s'il ratait son tir. François, je lui dis, ce foot du dimanche matin, on appelle ça "foot poétique", on compte même pas les buts.
"Alors ça me va" il déclara.
Le dimanche suivant vit débarquer François, son vélo et son sac à dos qu'il transportait partout, dedans un ou deux livres et son carnet de croquis...
Et on joua.
François, balle au pied, c'était un spectacle saisissant. Pour lui, des mots tels que "passe !", "sur l'aile", "va au pressing!" ne relevaient d'aucune réalité palpable et si par miracle, il réussissait à taper dans le ballon, c'était toujours pour le rendre à l'adversaire, on piquait des fous rire à n'en plus finir, il se faisait engueuler lorsque seul à 2 mètres du but, il envoyait le ballon en touche...
Il retirait ses lunettes pour faire une tête et courait comme un beau diable en réclamant le ballon pour s'en défaire aussitôt, ne sachant quoi faire avec.
Tu vois, me dit-il, c'est pas pour moi.
Mais pas du tout, tu es un vrai poète du foot! Tu es la pièce manquante de notre dispositif! je lui dis et je le pensais.
Je ne sais pas combien de foots j'ai fait par la suite avec François, mais il y en a eu des dizaines et des dizaines car il aimait ça le bougre.

3 commentaires:

  1. il m'en avait parlé François de ces parties de foot ! je le vois rire et courir en te lisant ! tu as raison : essayons de briser un peu, autant que possible, la douleur de son absence. merci pour ces tranches de vie et ces images.
    julie

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  2. Enlever ses lunettes pour faire une tête, quelle jolie rime.

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