mercredi 28 octobre 2009
L'amitié
Parfois, on me demande quelle école j'ai faite. Les Arts déco je dis avec un peu d'ironie et je m'empresse d'ajouter : et encore pas jusqu'au bout, j'ai été viré. Je cite aussi Matisse qui disait que les écoles c'est bien pour apprendre ce qu'il ne faut pas faire. Et je finis en disant je ne regrette pas d'y avoir perdu mon temps parce que j'y ai rencontré des gens et surtout un ami que j'ai gardé depuis, François.
L'amitié, c'est quelque chose de spécial. Il y a des amitiés qui se font avec le temps, qui se forgent lentement, au fil des saisons, soudain on se rend compte qu'on est devenu ami et puis il y a des amitiés qui se réclament, ce sont souvent celles de l'adolescence, de la jeunesse. Il y a soudain quelqu'un qu'on croise et dont on se dit je veux être son ami et si c'est réciproque, alors c'est extraordinaire, ce qui peut se passer. Alors on tombe en amitié comme on tombe amoureux. Pour ce faire, il y a souvent un acte fondateur qui éclaire cette personne avec une lumière particulière, qui vous la rend admirable et quand on a 20 ans, le fait de reconnaître cet acte et que l'autre vous voit le reconnaître, relève de la plus haute importance. Ensuite, il faudra encore plusieurs actes fondateurs pour sceller l'amitié et la transformer en fraternité, en amour, et si les mauvais esprits ne viennent pas tout saccager, pour la vie.
Avec François, l'acte fondateur, je m'en souviens bien. C'est simplement au cours d'un des premiers rendus (on appelait rendu la réalisation d'un sujet plastique donné par un des profs) en première année des Arts Déco, sinon le premier. Je crois que le sujet était "autoportrait dans l'école" ou un truc tout aussi scolaire et barbant. On avait tous pondu un dessin plus ou moins léché, afin de faire valoir notre immense talent, ou une photo floue montée avec des pictogrammes glanés dans les couloirs du premier étage, celui de l'administration, histoire de montrer qu'on savait composer une image et qu'on étaient des graphistes nés.
Le prof - dont le nom m'échappe tout à fait- passait tout ça en revue avec un hochement de tête entendu quand il s'arrêta sur le travail de François. Il lui demanda si c'était "ça"? son rendu.
On se regroupa autour de lui pour découvrir un dessin à l'encre à la Dubuffet ultra nerveux, celui d'un enfant fou, fait au baton en référence à l'art brut et plein de taches d'encre, débordant d'énergie et de force. Un truc explosif fait au culot.
François était tout fier de lui, un peu timide, mais il dit : ben oui, quoi ? Bon y a pas l'école dans mon dessin mais c'est moi dans l'école, ça ressemble, non ?
Je regardai ce dessin en ressentant une grande sensation de liberté. Je regardai François que je n'avais pas vraiment remarqué avant dans la classe et je pense qu'il croisa aussi mon regard admirateur et mon sourire.
Ce fut le premier acte, il y en aurait beaucoup d'autres.
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C'est bien ce blog, et ce que tu y racontes.
RépondreSupprimerEt comment tu le racontes et l'illustres.
C'est comme une mise en abîme de ce qu'est l'art et la création in fine. Une grande douleur qui fait naître des mondes.
Je suis là, je lirai tout.
Amicalement,
Michaël
Salut Michaël,
RépondreSupprimermerci pour ton mot, j'ai plein d'histoires avec François, plein de bonheurs (mais pas que) partagés avec lui. Cette grande douleur que tu évoques, si forte, j'aimerais la briser, la transformer en joie. Ce blog, c'est pour ça.
Un cœur tendre qui hait le néant vaste et noir
RépondreSupprimerDu passé lumineux recueille tout vestige...
C'était un cours du lundi après midi, une semaine sur deux....Aux Gobelins....
RépondreSupprimerheu, c moi anonyme....Désolée, je vais peu sur les blogs , tout reste à l'intérieur ...pour l'instant...XXXX Elo
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